Samedi 21 juin 2008 à 4:50

Si j'avais eu un esprit scientifique, j'aurais pensé que c'était dû à la pression qui variait dans l'air. La pression étant liée au volume, et à la température, il était normal qu'en extérieur je me sente moins oppressé qu'à l'intérieur, en pleine nuit de surcroit. Mais j'ai cette immense chance de ne pas avoir un esprit scientifique, non, j'ai un esprit littéraire. Du moins, ça m'arrangerait. Les deux sont relativement incompatibles, et la guerre des esprits à commencé il y a de ça bien longtemps.
C'est avec ce genre de pensée pourrie, digne d'un début de film de série B destiné à des abrutis complets et ode au navet, que je marchais dans la rue. Ma montre aurait affichée trois heures du matin et quelques, si j'avais pris la peine de la regarder. Mais je ne voulais pas avoir à gâcher de l'énergie en levant le bras et le poignet, la flemme fondant sur moi comme l'oiseau de proie sur l'innocente gazelle, et dieu que c'est éculé ce genre de figure. Il semblerait que l'heure avancée bloque quelques une de mes connexions neuronales. Et zut, j'avais pas dit que j'avais un esprit littéraire. Je reprends donc : je suis fatigué.
Je fais même un récapitulatif complet : je suis fatigué et il fait nuit, je marche dans la rue déserte de cette ville, et j'aime ça. Un silence monumental siégeant dans l'air comme Zeus sur son trône divin, j'entends le bruit de mes propres pas, étouffé par le vacarme tonitruant de décibels que provoque ma pensée. Même si mes oreilles ne me transmette quasiment aucun son, j'ai l'impression que cet éléphant maladroit et quintupède (tant qu'à faire) nommé "Pensée de Moi" va surgir du coin de la rue dans un barrissement de diarrhée verbale et me piétiner de tout mon long. Je devrais m'euthanasier la cervelle, tiens, je sens que ça me ferait pas de mal.
C'est ce genre de nuit qui vous fait prédire que par une combinaison hautement improbable de plusieurs lois directement reliés à celle de ce cher Murphy, votre vie va pouvoir basculer d'une seconde à l'autre. Je marchais donc dans la rue, en attente de l'OVNI qui viendrait me kidnapper pour tenter d'expérimenter plein de choses sur moi pour comprendre l'humain (et ils n'auront que des résultats faux, ça leur fera les pieds qu'ils n'ont pas, tiens). C'est une nuit véritablement magnifique, à peine quelques nuages pour faire semblant de masquer la pleine lune. Tiens, les lycanthropes sont de sortie, est-ce que je vais me faire bouffer ?
Tout humain normal sait que j'ai, à ce moment, dépasser le point du non-retour dans le manque de concernement à propos de moi-même. C'est normal, en fait : je suis un lapin. Ce genre de pensée assaillant mon cerveau comme une jacquerie déchainée en pleine époque féodale est en fait une futile tentative de mon profond subconscient pour arriver à mettre la main sur mon moi-même total et complet. Mais je sais parfaitement répliquer à ce genre de viles bassesses. En théorie, pour le moins.
Alors que je marchais vers un pont, je me fis la remarque de la beauté de la nuit et du manque total de passants. Une nuit parfaite pour se suicider, en somme. Et on dirait bien que je ne suis pas le seul à avoir eu ce raisonnement, tiens. Une jeune femme se tient sur la rambarde, une jambe dans le vide, une autre sur le pont, les cheveux lui voilant le visage à cause de cet enfoiré d'Eole, qui n'a rien de mieux à faire que d'arriver maintenant pour rendre tout ça plus dramatique. Arrivé à ce point, la conscience humaine prend une de deux voies : ou bien la certitude de l'action à faire envahie la pensée, ou bien le doute s'installe et une crise de conscience commence. Je ne suis pas un héros, et je me voyais mal sauter sur cette donzelle pour la plaquer sur le sol, lui pétant au passage une ou deux vertèbres, dans le prétendu but de la sauver. Non, mais je ne pouvais pas non plus la laisser se suicider toute seule dans son coin. C'est pourquoi je me suis dirigé vers elle. Tranquillement.
Elle hésite, on dirait. Lorsque je lui adresse la parole, elle se retourne vers moi, son joli visage couvert de larmes, et ayant la bonté de ne pas crouler sous l'overdose de maquillage. Elle est plutôt jolie, de façon globale. Pas un canon, mais jolie. Le genre de femme qu'on veut tenir dans ses bras avant de faire des galipettes avec. Même si pour la plupart des hommes, l'un incluait l'autre. Tragique, franchement.
Elle est en débardeur, ce qui est assez téméraire, puisque même moi qui suis relativement résistant au froid, je frisonnais presque avec mon T-Shirt. En débardeur et en jupe. Et elle pleure. C'est un peu comme dire que quelqu'un a essayé d'avaler une huitre remplie de moutarde à la fraise, on a l'impression que quelque chose sonne véritablement faux. Je m'adosse à la barrière, à environ trois mètres d'elle, et commence à parler, histoire de m'occuper deux minutes, et de pouvoir occuper mes réflèxes moteurs de façon un peu plus parlante, pour ainsi dire.

- Vous êtes sûre de ce que vous faite ?

Non, mais c'est la classe cette réplique. Made in pouilleuxland. Impressionnant ! Et bien entendu, elle ne répond pas. Non, elle se contente de sangloter doucement. Je me retourne et je jette un oeil au fleuve qui coule en bas.

- Il doit bien y avoir, pfiou, vingt mètres jusqu'au fleuve. Avec un peu de chance, ça sera une mort instantanée.

On dirait que mes paroles ont la capacité incroyablement utile de lui couper le sifflet. Je suis redoutable.

- Mais pourquoi se suicider, hein ? Je peux savoir ?

Elle ne répond pas et continue à sangloter en essayant de me regarder.

- Allons, il faut une bonne raison pour ça. La plupart des gens sont tellement stupides que l'idée ne leur traverse même pas la tête. Vous avez donc une bonne raison, je me trompe ?
- Mon petit ami m'a largué, articula-t-elle en baissant la tête.
- Effectivement, c'est pas tip-top. Parlez moi de ce goujat.
- Ce n'est pas un goujat, il...
- Aucun homme ne devrait faire pleurer une femme, ceux qui font ça sont des goujats. Continuez, je vous prie.

Mais c'est la grande classe, la vache. Tu sais que tu sors des répliques classieuses, mon vieux ? Merci, merci, moi même, je trouve que je suis vraiment excellent et tant mieux si tu es d'accord avec moi sur ce sujet là.

- Il est quelqu'un de très gentil.
- Ah bon ? Il fait pleurer une jolie fille comme vous, pourtant.
- Je... je mérite de pleurer.

Hum, 3615 psy-moi même, ça va être l'heure de passer à l'action. Comme quoi, même au delà de trois heures du matin, mes neurones peuvent encore servir.

- Et pourquoi ça ?
- Je suis une garce.
- Surprenant, vous n'en avez pas l'air.
- Je... Si je n'étais pas une garce, il serait encore avec moi.
- Logique imparable, vraiment.

Elle me regarde à travers ses larmes. Joli visage, vraiment. Même embué par les larmes.

- Vous... vous moquez de moi...
- De vous ? Non ! De votre logique ? Oui !
- C'est pareil.
- Mais non. Vous pensez vraiment que ça vaut la peine de se suicider, tout ça ?
- ...Oui.
- Alors pourquoi vous ne sautez pas ?

Ouah, ennemi cerné, et puis massacre millimétrique de la raison, chapeau, mon vieux. Tu assures autant qu'un vieux général. Autant que Napoléon Bonaparte à Waterloo, ouais, au moins.

- J'ai trop peur.

Effectivement, ça se tient.

- J'ai trop peur pour sauter.
- Je vois.

Et là, je devrais sortir quelque chose. Quelque chose comme un raisonnement basique et primaire comme quoi la vie est belle, qu'il ne faut pas la gâcher, que si elle a peur de mourir c'est qu'il est encore trop tôt, ce genre de choses. Ce genre de trucs. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas parce que ça va à l'encontre même de ce que je suis et de ce que je pense. Alors je fais la seule chose que je trouve valable. La seule chose qui s'impose à ma pensée comme étant une action digne de moi-même : je lui tends la main.

- Donnez moi votre main.
- Pour quoi faire ?
- Parce que vous aurez moins peur de sauter si je saute avec vous.

Elle est surprise. Logique. Elle devait s'attendre au bon vieux speech de la vie est belle, life goes on, vis ta vie, viens un coup dans mon plumard, et tout et tout. Sauf que je ne suis pas comme ça, et il va falloir faire avec.

- Allons, donnez moi votre main.

Elle tend lentement sa main. Une main fine, de femme. Une main qui me donne l'impression d'être en cristal. Une main qui n'oppose aucune résistance, et sur laquelle je referme mes doigts avec précaution.

- Vous êtes prête ?

J'enjambe la rembarde et me tient face à elle, désormais. Elle me regarde étonnée. Elle ne sait pas quoi dire. C'est normal.

- Vous n'avez plus peur, n'est-ce pas ?
- Je... Non...
- Parfait.

Je l'attire vers moi et je l'enlace. Avant qu'elle soit remise de sa surprise, je pousse sur mon pied d'appel et nous basculons vers le fleuve. Elle se serre contre moi.
Cette nuit je n'aurais eu ni loups-garous, ni OVNI.

Mais c'était une bonne nuit.

Par aleatoire le Samedi 21 juin 2008 à 23:04
Oui tu es effectivement bien de retour. Cette nouvelle a été écrite en coproduction ?
Pour info, qui j'en ss sûr tu t'en contre-balance-fou, elle se classe parmis Mon top 5 de tes textes et nouvelles que je préfère. Bn encore une fois on ne s'attend pas du tout à la fin , et je crois que c'est la ta plus grande qualité litttéraire, malgré tes longues descriptions - oui de temps en temps, fayut bie le direh hein je ne peux pas te dire que du postif tt de même- je disais donc malgré tt ce qui a autour t'arrives à nous faire tenir en halène sans que l'on ne s'attende jamais à la fin de ta spoire, même si on sait que tu es doué pour tuer les gens, même si on sait que tu le fais bien, je sais pas, ce doit être la génération niazardine de notre temps on se dit tjs que peut - être que ... pour une fois, et en fait nn tu finin tjs par les tuer,n mais c'est si beau, et puis hum je crois que je vais m'arrêter parce que je ne ss vraiment pas très douée pr te complimenter sur ta façon d'écrire. reston soft donc. Bravos. Bonne continuation ! :D
Sur ce mon choupinet en sucret de poupalou, je m'en vais dodoter .
Passe une bonne nuit.
Par MavangElle le Jeudi 26 juin 2008 à 1:57
Aha. Un texte.
Extase.
Par Apfel le Dimanche 29 juin 2008 à 21:47
Est-ce une bonne nuit si on n'en a plus conscience ?

 

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