[Première Partie : RuIns [Awakening] ]
Les lampadaires ne sont pas tous allumés, ce qui apporte un effet mitigé sur ma personne. Un mélange d’appréhension et de manque d’intérêt profond pour la chose. C’est la deuxième partie qui l’emporte. Je ne suis pas dans la voirie, après tout, et ce n’est pas mon problème (du moins, pas directement) si le quartier se dégrade. J’étais convaincu que sur une grande avenue, tout redeviendrait normal. Normal.
Une fois sur un passage piéton, au beau milieu de l’avenue quatre voies, je me mis à rire. Normal. Ben voyons. Les voitures parfaitement garées, de façon irrégulière mais néanmoins ordonnée. Comme si un bambin avait reçu l’ordre de ranger sa chambre et qu’il avait poussé les voitures sur le côté, pour dégager le passage et donner l’illusion d’un truc rangé. C’était plutôt réussi, je dois dire. Hormis le vent et mes pas, aucun son ne semble venu de nulle part. J’ai les mains dans les poches. C’est rare. Surtout dans une situation pareille. Les mains dans les poches, c’est un signe de vulnérabilité. Un ajout supplémentaire sur le temps de réponse optimal que je peux avoir contre un quelconque danger.
Ma nuque me picote, et je consens à retirer une main de mes poches pour me la gratter. Pas besoin d’être un génie pour se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond. Et encore, je pense que faire des euphémismes en pareille situation est un mécanisme de refus de réalité plutôt profond. Mais c’est pas tout ça, j’ai la dalle. Les rues sont vides, et mon estomac aussi. Je pris donc la décision de me diriger vers un McDonald’s quelques rues plus loin.
Une ville vide, ce n’est pas rassurant, mais c’est d’un calme profond et apaisant. J’avais beau savoir que la panique aurait dû m'envahir, selon toute logique, mais j’étais à la fois trop fatigué et trop relaxé pour m’inquiéter de quoique ce soit. J’avais en tête la jeune femme qui avait été éventrée (selon toute probabilité), et je faisais notamment une fixation sur ses beaux cheveux blonds. Je ne me souvenais pas avoir jamais rencontré pareille créature, sans quoi j’aurais été plus qu’un peu marqué par son passage dans ma vie. Ce point étant établi, il restait plusieurs questions, à savoir : comment était-elle arrivée là, et qui avait ruiné ce corps pourtant si agréable aux yeux ? Si je ne pouvais répondre à la première, je supputais que la réponse à la seconde était quelqu’un d’aveugle, tant il fallait être profondément handicapé pour réfuter le fait que cette fille était d’une beauté profonde. Mais une telle affirmation était quelque peu troublante lorsque l’on en venait à la précision de "l’ouvrage" (à défaut d’autres termes) qu’était désormais le torse de la jeune femme.
Le temps de mes ruminations, me voici arrivé au bâtiment que j’attendais. D’un coup de latte dédaigneux, j’ouvrais la porte, m’attendant à ne trouver personne. Et j’avais raison. J’étais apparemment la seule âme sur plusieurs kilomètres à la ronde (voire même plusieurs dizaines de kilomètres, voire même la ville entière, mais je n’allais pas traverser cette dernière à pied pour confirmer), ce qui ne me gênait pas particulièrement. L’avantage de la restauration rapide, c’est que c’est vraiment rapide. Il n’y a pas de cuisson à faire en cuisine, aussi le client est-il servi rapidement. L’autre avantage, dont j’étais probablement le seul à avoir eu l’occasion d’en profiter, c’était que même quand les vendeurs et autres caissiers sont absents, on peut saisir la première bouffe qui nous vient sous la main, parce qu’elle est déjà cuite et donc comestible. Après un saut relativement professionnel par-dessus le comptoir, j’attrapais un plateau, deux cheeseburgers (avec un peu de chance, c’était ça), je me remplissais un truc de coca, je choppais une paille, deux grands trucs de frites, et je revenais du côté client du comptoir. Après avoir débarrassé soigneusement (autrement dit, avec un grand revers de ma manche) une table, j’entrepris de manger dans la paix et le calme profond dont je disposais depuis peu. Un rapide coup d’œil autour de moi confirma un de mes soupçons : vu l’organisation des plats, boissons, plateaux et autres outils et objets couramment utilisés dans ce genre d’endroit, les gens n’étaient pas partis. Ils avaient disparus, tout simplement. Mes neurones n’étant pas encore abreuvés suffisamment pour parvenir à une conclusion potable, je m’enfilais une grande rasade de Coca-cola. J’avais choisi cette table exprès, parce qu’elle avait vu sur la porte d’entrée du restaurant. Bien m’en a pris, car j’ai pu ainsi voir arriver la jeune blonde au teint pâle par la dite porte, dans une jolie robe blanche une pièce.
- Bonsoir, dit-elle.