On fera ça au petit matin, juste un peu avant l'aube, histoire que l'on ne voit pas à deux mètres mais qu'on ai un peu de lumière sur la fin, si tant est que l'on arrive jusque là, bien évidemment. On fera ça sur une colline, pour qu'on puisse se jeter mutuellement du haut du monticule.
On sera sapés avec nos habits de tous les jours, ceux dans lesquels on a appris à se haïr, à se détester. Ceux qui sont irrémédiablement liés à nos détestables personnes, ceux qui ne nous protégeront en rien. Ceux que l'on déchirera avec la joie malsaine que l'on a enfoui dans nos coeurs depuis si longtemps.
On fera ça à mains nues, et ça sera sale et répugnant. On ne retiendra rien, on laissera éclater ce que l'on depuis trop longtemps caché sous le drap pudique du bon sens, et ça sera sacrément moche. On s'en mettra plein nos jolis visages, et on sera contents. On va se faire mal, et ça sera bien.
On se fera avaler nos dents réciproquement, et on fera passer ça avec le sang qui coulera à flots de nos nez cassés, de nos lèvres éventrées, de nos arcades sourcilières entaillées. Et sous réserve qu'on ne soit pas étouffés avec les dents qu'on aura avalées, on s'arrachera des membres, probablement un bras et une jambe, et on continuera de s'en mettre plein la tronche avec. Les os seront cassés de toute façon, autant recycler ce qui pourra l'être sur nos déchets de carcasses.
Et quand le soleil se lèvera il arborera la couleur de nos corps abîmés, les mêmes corps sur lesquels on aura un rictus figé, ultime preuve du plaisir qu'on aura pris à faire la douleur.
Pourquoi crois-tu que les Japonais peignent le soleil levant en rouge ?
Et dans un dernier souffle, on se dira l'un à l'autre :
"On se retrouve en enfer pour continuer ça, pourriture."