[Troisième Partie : RuIns [The Realm] ]
J'ai attrapé le coca et j'ai siroté ce qui restait, tapant beaucoup trop vite à mon goût dans les glaçons remarquablement infâmes qui accompagnaient toujours ce genre de boisson. A en croire ma charmante mais néanmoins mystérieuse interlocutrice, nous étions, elle et moi, dans une profonde merde, et j'étais sensé jouer le rôle du chevalier en armure. Le genre de rôle que je détestais. Cela dit, en supposant que l'autre timbrée ait raison, je n'aurais pas trop le choix.
- Donc, si je t'ai suivi, cet endroit est une déformation de la réalité, c'est bien ça ?
- Oui.
Je venais de regagner son attention.
- En quoi la réalité est-elle déformée par rapport à la "vraie" réalité, alors ?
Elle fit la moue.
- C'est une copie de notre "réalité" sur le plan de la représentation du décor, mais il n'y a pas les même lois physiques, je peux te l'assurer. Nous sommes dans un monde où les maîtres sont le Croque-Mitaine et le Marchand de Sable, ils font ce qu'ils veulent ici.
- Oui, ça tu l'as déjà dit. Mais concrètement ça veut dire quoi ?
Elle soupira et se mit à tripoter nerveusement ses cheveux, visiblement agacée par le faite que j'en sors encore à ce stade.
- Ca veut dire qu'ils vont nous faire la peau, voilà ce que ça veut dire. Et je ne compte pas me laisser avoir. D'autant qu'ici, le supplice est éternel.
- Magnifique, on est dans une version modernisée du Tartare, alors ? Ca veut dire qu'il doit y avoir des millions de groupies hystériques...
Ma tentative d'humour l'a laissé complètement indifférente, et elle enchaîna sans attendre :
- Il va falloir qu'on parte. Ils ne vont pas tarder.
- Qui ça "ils" ? Le Croque-Mitaine et le...
- Non, leur avant-garde.
- Mazette, ils ont une avant-garde ces deux pékins ? Eh beh.
Encore une tentative d'humour qui tombe à plat. J'ai décidé de reprendre mon sérieux et de lui montrer :
- Il faut qu'on se dirige au commissariat le plus proche. Comme d'habitude, dans le commissariat, y'a des armes. Et les armes, ça sert.
- Comme d'habitude ?
- Dans n'importe quel scénario un tant soit peu catastrophique, il faut aller se ravitailler en armes au point le plus proche, dans notre cas : le commissariat, qui n'est pas très loin. La base, c'est la base.
- Je ne sais pas si ça sera vraiment d'une grande utilité...
- Tu as un meilleur plan ? Non ? Bon.
- Je crois que tu confonds ce qui nous arrive avec une invasion zombie.
- On commence par ça, on avise ensuite, d'accord ?
J'ai sauté de mon tabouret et après m'être épousseté un minimum, j'ai poussé la porte et je l'ai tenue pour que la jeune fille me suive. Elle ne se fit pas prier et me gratifia même d'un très joli sourire pour lui avoir tenu la porte. Mauvaise idée de me laisser embarquer dans des histoires de charme à un tel moment.
- Au fait, je ne connais pas ton nom.
- Kim. Appelle moi Kim.
Un prénom déjà vu, déjà écrit. Par toi.
Manque la suite. Au prochain numéro, sans doute.