Mardi 15 juillet 2008 à 16:05

C'était la nuit noire. La nuit noire, pas vraiment, en fait. On voyait parfaitement les astres, quand ce gros nuage ne les cachait pas. Pas à l'instant présent, quoi.
L'instant présent, c'était ma rover 4x4 lancée à toute blinde sur un sentier de montagne, moi au volant, écrasant la pédale à intervalles réguliers. Rouler de nuit peut être très agréable, contrairement à ce que la majorité des gens prétendent. Pour peu que l'on ne soit pas trop fatigué, s'entend. Il n'y a personne sur les routes, et l'ambiance est toute particulière. On dépend entièrement de ses phares, ou pas, si l'on connaît le chemin. On a vite tendance à s'imaginer quelque illusion au détour du chemin, cachée dans l'obscurité, avant de secouer la tête en se disant "Non, je délire.", en bons humains que nous sommes.
Cette route me semblait interminable. Il y avait tellement longtemps que je ne l'avais pas prise. Avant, je l'aurais probablement faite les yeux fermés et les phares éteints. Même maintenant, je conduisais avec une maîtrise qui permettait d'affirmer que je n'y étais pas étranger. Des virages parfaitement calculés, des mouvements souples, des accélérations à intervalles calculées, et jamais besoin d'user ma plaquette de freins. Des souvenirs qui reviennent au fur et à mesure comme lorsque l'on réécoute une mélodie d'enfance.
Beaucoup de gens laissent la radio tourner lorsqu'ils conduisent. Moi pas. Moi, je mets en fond sonore des CD de mon choix. Et j'aime bien avoir un volume un peu élevé, pour m'empêcher de m'endormir. Parfois, je chante en même temps, quand c'est une chanson que j'affectionne particulièrement. Ou je tapote sur le volant, aussi. Cette fois j'avais des passagers, et donc je ne chantais pas. Encore que nous aurions très bien pu chanter tous en cœur, mais je ne voulais pas prendre l'initiative de couvrir de ma voix un peu grave les sublimes vocales de Tarja Turunen. A la suite d'un virage plutôt sec, je glissais ma main droite vers la radio et pressait deux fois un bouton, sautant ainsi quelques pistes et atterrissant ainsi sur Stargazers, toujours de Nightwish. Mes passagers étaient silencieux, ce qui ne veut pas dire qu'ils étaient désagréables. C'était deux vieux amis.
Corey, assis derrière moi, regardais à travers la fenêtre, apercevant la ville en contrebas de la montagne. Une immense ville, du moins c'est ce qu'elle semblait être, même si des villes comme New-York ou Londres devaient faire au moins vingt fois sa superficie. Les lumières des immeubles pouvaient être très belles, vu sous le bon angle. J'avais volontairement coupés toutes les lumières que je pouvais à l'intérieur de la voiture pour ne pas gêner cette vision. A ma droite, Mika avait les yeux fermés, et se reposant probablement. Corey et Mika étaient amants depuis... depuis peu après que je les connaissais, en fait. Mika était une rousse toujours calme, et Corey un type puissamment ambivalent. Impossible d'affirmer qu'ils étaient amoureux l'un de l'autre, à moins de les connaître un tant soit peu. Et j'avais la prétention de faire partie de ces rares personnes. Le fait est que je les connaissais depuis longtemps, assez pour pouvoir être prétentieux.
J'ai fait un dernier virage souple, presque parfait, et nous étions arrivés. A côté de la route, cachée par une barrière peu épaisse d'arbre, se trouvait une clairière. Pas une grande clairière, juste une vingtaine de mètres sur une quinzaine. Mais depuis cette clairière on avait une vue imprenable sur la ville et la vallée en contrebas, de par le plan légèrement incliné. On pouvait voir très loin, et de nuit, les lumières de la ville étaient véritablement magnifiques.
Un des avantages de cet endroit était également que si l'on ne connaissait son emplacement, il était quasiment impossible de le voir. Nous sommes tous descendus de voiture, et après un passage peu agréable entre les arbres, nous étions finalement dans la clairière. En son centre se trouvait un bassin d'eau très claire, arrivé là dieu seul sait comment, et dont l'eau était agréable, du moins suffisamment pour se baigner. Corey prit Mika dans ses bras  et la déposa sur l'herbe, elle avait les mains derrière la tête, contemplant le ciel garnit d'étoiles. Nous autres hommes venions d'enlever notre haut, et après m'être déchaussé de façon expéditive, je me glissais dans l'eau. Mon ami fut rapidement à mes côtés.

- C'est la pleine lune, ce soir, dit-il en appuyant ses coudes sur le rebord du bassin.
- Exact. On a un bain de lune en prime, pas cher.

Il resta silencieux un moment. Moi aussi, les yeux fermés, je ne disais rien. Je battais lentement des jambes sous l'eau, le bassin ne devait pas excéder les deux mètres de profondeur, mais c'était suffisant pour moi. Dans ce genre de moment, on se sent terriblement détendu, comme si on pouvait effacer notre passé et notre futur de notre esprit, comme si, pour un instant, on était obligé de vivre le moment présent. La lune nous baignait de sa lueur, et aucun de nous ne parlait pour un moment. Les remous de l'eau ne firent aucun bruit, bien que je m'agitais beaucoup. Corey, toujours accoudé au bord de ce bassin, respirait profondément.
Franchement, qui aurait pu prédire que nous nous retrouverions là, après tant d'années de séparation. Combien de temps depuis que nous nous étions séparés après une brève mais douloureuse embrassade ? Trop longtemps, probablement. Trop longtemps, sans aucun doute. L'ambiance de ces retrouvailles était absolument délectable, bien qu'elles fussent totalement inattendues. Voir Corey et Mika devant ma porte m'avait surpris l'espace d'une seconde. Il y a des promesses de gosse qu'on pense ne jamais avoir à tenir, et au final…
Je me rappelle encore du moment où nos chemins ont commencés à diverger. "Parting of the ways" est une expression idiomatique anglaise qui correspond parfaitement pour décrire ce qui s'est passé. Tandis que Corey progressait de plus en plus vers le statut d'étudiant modèle, je me rapprochais du titre de cancre. Après l'obtention de notre baccalauréat, nous nous sommes progressivement perdus de vue, chacun ayant, malgré notre amitié et notre profond respect mutuel, envie de garder sa vie privée. Jusqu'au jour où c'était dit, Mika et Corey allait emménager à l'autre bout du pays, et moi j'allais m'enfoncer dans des emmerdes toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Donc embrassades et adieux, ils sont grimpés dans leur caisse, leur bordel empaqueté à l'arrière, et vroum, "so long and thanks for all the fish" comme disait Douglas Adam. Après ça, nada. Silence radio complet, autant de leur part que de la mienne. Lorsque nous étions tous en Terminale, j'aurais mal vu quelqu'un m'annoncer la suite de cette histoire. On est toujours tellement préoccupé par sa propre orientation (quel mot mal choisi) qu'on en oublie de penser à ceux qui nous sont devenus chers au fil des ans. Corey n'était pas la seule personne que j'avais perdue de vue après l'obtention de ce soi-disant diplôme national. Mais il était parmi les seules qui m'avaient vraiment manquées. Des personnalités comme la sienne, on en voie que très rarement, et c'est ce qui fait toute leur saveur. De toutes les personnes que j'avais connues, il y en avait peu qui me manquait, et Corey en faisait en partie. Je ne savais pas s'il considérait ça comme un honneur, mais il aurait pu. Le nombre de personnes qui étaient chères à mes yeux se comptaient sur les doigts d'une seule main.

- Toujours pas revenus sur votre décision d'avoir des gosses ? demandais-je en m'enfonçant jusqu'au menton dans l'eau.

Je m'étais toujours demandé à quoi ressemblerait la descendance de ne serait-ce que l'un des deux, et surtout comment ils les auraient éduqués. La marmaille était autrefois à Corey ce que les mines anti-personnelles sont aux militaires : un truc vicieux, fourbe, et extrêmement dangereux en plus d'être vachement instable. Mais le temps a ses effets, et peut-être avait il changé de point de vue. Ou peut-être que Mika l'avait convaincu.

- Education rime avec explosion, marmonna mon ami, et enfant rime avec chiant.
- Je suppose que je dois considérer ça comme une réponse négative.
- Plutôt jongler avec de la nitro que d'avoir des marmots, oui…
- You haven't changed, soupirais-je.
- Got a problem with that ? répliqua immédiatement mon compagnon.
- None.
- That's good.

En me tournant vers Mika, je vis qu'elle souriait toujours, son regard dirigé vers la lune, sa robe blanche délicatement étalée sur le sol. L'eau était à une température vraiment agréable, et j'essayais de me rappeler depuis combien de temps je n'avais pas été ici avec ces deux là. Pendant ce temps, Corey se laissa glisser entièrement dans l'eau, pour en émerger quelques secondes plus tard, ses cheveux mi-longs collés à sa nuque et ses épaules. Il s'assit sur le rebord du bassin, et après un coup d'œil rapide à sa potentielle fiancée (je savais toutefois que même si l'idée leur passait par la tête à un moment ou à un autre, ils ne se marieraient jamais) il posa son regard gris sur moi. Je lui fit face, le dévisageant pendant une seconde avant de plonger mes yeux verts dans les siens.
La plupart des gens n'arrivent pas à maintenir ce que l'on appelle un "Eye Contact" pour la simple et bonne raison que cela crée une tension entre deux personnes qui finit par gêner les participants, surtout si leur relation est instable ou si leurs émotions ne sont pas affichées comme elles le devraient. On voit souvent dans les films ou dans les livres des personnages qui affirment que l'on peut connaître une personne simplement en lisant dans ses yeux. C'est vrai, dans une certaine mesure. Il faut pour cela que la connivence entre les deux personnes impliquées soit forte. Dans notre cas, elle l'était. Ce qui nous permettait de ne pas nous embarrasser inutilement de mots lorsque nous étions entourés. Et même lorsque nous ne l'étions pas, certains moments de magnificence silencieuse ne devant pas s'achever sur la simple envie d'émettre un son. Corey leva les yeux vers les étoiles, en poussant un léger soupir qui voulait tout dire pour moi. Il avait des regrets, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Je pouvais comprendre ce qu'il ressentait, même si je fonctionnais de façon assez différente et que j'étais habitué à subir les assauts des choix du passé dont nous doutons. Mais ce qui est fait est fait, pour le meilleur et pour le pire, et ce raisonnement ne tarderait pas à balayer les intrus des préoccupations de mon ami.

- Toi, en revanche, tu as changé, souffla Corey en battant légèrement des jambes sous l'eau.
- C'est dans ma nature, mon vieux.
- Je sais.
- Je sais que tu sais. Néanmoins tu fais la remarque à haute voix, ce qui veut dire qu'il y a quelque chose que tu voudrais préciser à propos de ceci, sans quoi tu aurais fait la remarque dans ta tête, répliquais-je en balançant ma tête totalement en arrière et en regardant le ciel étoilé entouré par les quelques arbres alentours.

Il eut un petit rire avec sa voix grave, et je ne pus m'empêcher de sourire.

- Grillé sur toute la ligne, hein ?
- Je te connais presque comme si je t'avais fait, soupirais-je en conservant un petit sourire aux coins des lèvres.
- Presque.
- Presque. Que voulais-tu dire ?
- Tu n'es donc pas capable de me le dire ? me dit-il, la voix teintée d'ironie.
- Je ne m'avance jamais sur ce genre de plates-bandes bancales.

Corey prit une profonde inspiration.

- Tu te sens toujours capable de le faire ?
- Evidemment.
- Tant mieux, alors.

Mon compagnon sortit de l'eau et commença à se rhabiller lentement. Je fis de même, une fois que l'unique serviette eut atterrit entre mes mains. Corey pris Mika dans ses bras, les mains de la jeune fille passées autour du cou de mon ami, comme un mari porterait sa femme à la chambre nuptiale un soir de noces. Complètement habillé, je passais ma veste en jean noir sur mes épaules et fit face à Corey, qui se tenait dos au bassin, un faible, mais néanmoins présent, sourire aux lèvres, sa fiancée dans ses bras. Je lui souris à mon tour et, dans un murmure, je pressais deux fois la détente de mon Beretta, lui logeant deux balles de 9mm dans la cervelle. Il tomba en arrière, Mika avec lui, et disparut dans le bassin. J'avais promis de faire en sorte que ces deux là restent toujours ensemble, et Corey avait voulu rejoindre sa bien-aimée, décédée trois heures plus tôt d'une insuffisance cardiaque.
Je rangeais mon arme, et reprenais mon 4x4 pour parcourir à nouveau la nuit. Seul.

Lundi 14 juillet 2008 à 15:33

Grace à l'ami Bubus, je suis désormais capable de mettre en ligne un autre habillage, [TimeLess], voué à devenir mon habillage par défaut dès que j'aurais une meilleure bannière.
Le wallpaper à été réalisé par En-Tyrael, et est assez magnifique, surtout qu'il possède une haute résolution comme Falling Rains 2 par Preppy (que j'ai utilisé pour l'habillage [Stream]) mais en plus net.

Sinon il est probable que je cherche à faire également un troisième habillage, avant ou après un autre écrit, on verra. A venir, la suite de RuIns, si je trouve le temps de l'écrire.

En attendant, je vous laisse cette musique histoire de dire que je n'ai pas écrit cet article pour rien, et surtout pour rentabiliser un peu le FTP du vil marsouin aux pieds plats :


God Is An Astronaut - Remembrance




 

Vendredi 11 juillet 2008 à 21:36

Nos amis les machines peuvent produire des résultats surprenants, surtout quand on sait qu'il leur manque la logique basique qui nous permet de communiquer clairement.
Aussi, allez ici et tâchez de réciter ce texte à voix haute. Non seulement c'est stupéfiant, mais en plus c'est dur à faire.

Mardi 1er juillet 2008 à 5:38

Je finissais mon verre de thé glacé et je cherchais quelque chose à manger lorsque cela me frappa. Je le savais. De façon inexplicable, je le savais. Pragmatique, j'attrapais un Snickers avant de me diriger vers ma chambre. Mon T-Shirt flottant à peine sur mes épaules, j'enfilais mes chaussures. Ce type de chaussure que les adolescents pensent être le plus normal des souliers alors que les parents se souviennent les avoir achetés au rayon sport du magasin. Je pris le soin de les enfiler encore lacées, en écrasant le contrefort, et de refaire ensuite les lacets pour les serrer le plus possible. Vice issu de ma jeunesse, vice que j'assumais totalement.
Chaussures, pantalon, T-Shirt, montre, portable dans la poche gauche de mon pantalon, pansement sur ma coupure au visage, et picotement sur l'échine. J'étais paré. Au fond de moi, une petite voix me demandait si j'étais vraiment prêt pour cela. Non, je n'étais pas prêt. Pas du tout. Mais je ne le serais jamais, alors autant charger. Il y a un temps pour la réflexion et le doute, et un temps pour la charge. Et là, il était temps. Ca ne se discutait pas. Le rythme de mon coeur s'accélera. Obligatoire. Ma conscience m'incita à regarder une dernière fois la date et l'heure, derniers repères temporels avant ma plongée dans cet inconnu que je ne connaissais que trop bien. Il était minuit pile. Dans une nuit d'un dimanche à un lundi. J'étais donc en pleine fissure du temps. Cela expliquait pas mal de choses. Je me dirigeais vers l'entrée de mon appartement. Dans une dernière action, je balayais d'un regard triste mes affaires. Ma main se posa sur la poignée, et j'étais désormais dénué d'hésitation et de peur. Ou du moins, ces dernières ne m'affectaient plus. J'ouvris la porte et fit mon premier pas dans cette descente ascendante.
Je marchais le long de l'escalier avec un calme qui tenait plus de la résolution que du self-control. Un escalier, avec des marches argentées. Un escalier dont les marches tenaient en place sans aucune fixation. Un escalier dans le néant, l'obscurité était visible partout autour. Son oppression ne m'affectait pas. Je continuais ma descente sans être aucunement troublé. Soudainement, les Juges apparurent. Des silhouettes encapuchonnées dans ce qui aurait passé à notre époque pour des robes de moine. Des silhouettes rouges et noires, se tenant sur les côtés de l'escalier, marmonnant des dizaines de réflexions simultanéments. Je n'étais pas le moins du monde impressionné. Ils furent de plus en plus, jusqu'à constituer des parois contre lesquelles j'aurais pu appuyer si j'avais tendu un peu mes bras. Leur marmonements continus se transformèrent bientôt en un grondement sourd. J'aurais dû être terrorisé, mais je ne l'étais pas. L'escalier, qui descendait en ligne droite dans un néant opaque, s'arrêta bientôt face au vide, devant le Gardien. Les Juges n'avaient pas bougés, leur grondement sourd s'arrêtant brusquement devant la puissance du Gardien. Gigantesque, le Gardien, silhouette encapuchonnée comme les autres, dégageait une aura qui aurait fait pleurer de terreur n'importe quel être humain. Il tendit un bras vers moi, et se prépara à me balayer d'un simple revers de main. Moi, humain, j'étais devant la Peur incarnée. Je combattis avec la Colère. Laissant cette dernière m'envahir, je rugis si fort que le Gardien poussa un hurlement lorsque qu'il fut détruit. Les Juges fondirent d'un coup, et m'enveloppèrent, avant de disparaître purement et simplement. Je remodelais mes habits à ma guise, une longue cape apparaissant alors dans mon dos, fixée à mes épaules par ma simple volonté.
L'escalier montait, à la marche suivante. Je mis le pied dessus, conscient désormais que j'étais inarrêtable. Les Juges avaient échoués, et j'avais pulvérisé le Gardien d'un simple hurlement qui s'était rapidement évanoui dans le néant. L'escalier montait en ligne droite, de façon symétrique à la descente que j'avais effectuée juste avant. Mais les marches étaient cachées dans l'obscurité, et tout humain aurait forcément ratée la suivante, leur espacement étant irrégulier au possible. Chaque fois que je posais mon pied dessus, la marche devenait argentée comme les précédentes. Des créatures virent bientôt s'ajouter aux marches. Une seule d'entre elles aurait déchiqueté une légion de combattants aguerris. Elles s'enfuirent devant mon simple regard. Une porte apparut plus haut. Encore une dizaine de marches et j'allais l'atteindre. Une porte de cristal, miroitant comme l'ébène. Une main sur chaque battant, j'ouvris d'une pression la porte que tant d'hommes avaient rêvé d'entrevoir un jour.
Je me trouvais désormais sur un sol qui s'étendait à perte de vue sous le néant. Un sol carrelé, lisse, et magnifique. Il se trouvait devant moi. Un vieil homme voûté, appuyé sur une canne à peine droite, ses yeux bleus témoignant de son immense savoir. Des yeux encadrés par des cheveux blancs et une barbe correctement entretenue, égalisant parfaitement le visage par sa faible longueur. Il m'attendait, voûté sur sa canne comme s'il allait tomber dès l'instant où il ne pourrait plus s'appuyer sur quoique ce soit. L'art des apparences. Je compris rapidement l'inutilité de lancer ma puissance contre lui comme je l'avais fait avec le Gardien. Elle ne l'affectait pas du tout. Maintenant c'était le gros morceau. Il rit doucement, d'un rire chaleureux, et me sourit.

- Soit le bienvenu, dit-il.
- C'est sympathique de votre part.

Il haussa un sourcil.

- Oh ? Tu ne t'y attendais pas ?
- Je ne m'attendais à rien, et je m'attendais à tout.

Il acquiesca gravement.

- Certes, certes. C'est évident.
- Evidemment.
- Je ne suis pas ton ennemi, tu sais, affirma-t-il gravement.
- Vraiment ?

L'air autour de nous changea lentement. Des crépitements apparurent et un éclair jaillit de nulle part pour se planter entre lui et moi.

- Cela dit, si c'est un affrontement que tu veux, je peux t'en offrir un.
- A la bonne heure.
- Arrogance, persifla-t-il.
- Jeunesse, répliquais-je.

Le sol disparut, laisse le néant nous envelopper. L'occasion pour moi de dévisager celui qui venais de se redresser sur sa canne et qui me toisais. Une seconde s'écoula et le ciel apparut autour de nous, ainsi que le sol loin sous nos pieds. Une belle plaine, immense, cernée par des montagnes. Décor improvisé pour combat d'éternité. L'éternité devant nous, l'Homme derrière nous. Deux armées apparurent au sol, composées de fantassins à perte de vue. Les tambours de guerre résonnaient dans toute la plaine, rythme stimulant et ô combien galvanisant. J'écartais les bras et me concentrait légèrement, faisant ainsi couler un océan dans l'armée qui me faisait face. L'armée qui se tenait de mon côté fut dévastée par un volcan surgit de nulle part. Je me concentrais de plus en plus, m'aidant de geste pour canaliser ma volonté et mon pouvoir, massacrant des humains par centaines de milliers. De son côté, il fit la même chose, sans bouger d'une autre façon qu'en respirant. Les éléments se déchainèrent les uns contres les autres. Des volcans jaillirent au milieu des océans, pulvérisés par des éclairs rapidement éliminés par des giclées de feu, qui mouraient sous les pluies de pierre. Des créatures improvisées se livraient bataille avant de périr au milieu d'un tel déchainement. L'excitation m'aurait presque gagnée, mais prudent, j'effaçais tout cela d'un revers de main. Mon opposant me sourit, et nous étions désormais sur la Tour. Elle ne ressemblait en rien à une Tour, mais nous l'avions baptisée ainsi, de par son éloignement du monde réel. Actuellement, c'était un jardin rempli de tous les types de fleurs, mais composé d'une majorité de rose. Des colonnes de pierre blanche soutenait la magnifique voûte de cristal au dessus de cet endroit enchanteur et enchanté. Le vieil homme me désigna un siège qui venait d'apparaître. Je le remercia et prit place, tandis qu'il fit de même. Nous nous faisions face, désormais.

- Tu es doué. Et extrêmement jeune, m'annonça-t-il.
- Je suis une exception ? demandais-je, quelque peu étonné.
- Oui. De ce que j'en sais, tu es le premier à être aussi jeune.
- Mon existence n'était pas des plus normales.

Il acquiesca gravement à nouveau. Sa voix prit un ton las et triste.

- Comme nous tous. Mais être aussi jeune...
- ... est la marque des malédictions. Si tant est qu'on croit aux malédictions.
- Je vois que tu es au courant.

Je rit doucement.

- Evidemment.

Ses yeux pétillèrent.

- Evidemment.
- Je sais tout et je ne sais rien, lui dis-je.
- Comme nous tous.

Il se leva et me toisa.

- Tâche de ne pas te laisser emporter. Tu es encore très jeune.
- Je ne sombrerai pas dans le mal.
- Tu n'es pas capable de résister à tout ce qui se dressera devant toi. La plupart, mais pas tout.
- "Est-ce ma faute, si notre Père a fait les Hommes moins puissants que Lucifer ?"

Il rit de bon coeur. Moi aussi.

- J'ai encore une question, ajoutais-je.
- Oui ?
- Combien sont passés avant moi ?
- Suffisamment, me répondit mon interlocuteur malicieusement.
- Autrement dit : trop.
- Tu seras heureux lors de la relève.
- Si relève il y a.

Nous échangeâmes encore un regard. Je vis de la compassion dans ses yeux. Je levait la main lorsqu'il m'interrompit.

- Si possible, donne moi une existence paisible. J'ai été suffisamment éprouvé par tout ceci.
- Je vous le promet.

Un sourire heureux s'afficha sur son visage. Une brise passa et fit doucement bouger les roses. Je leva la main, et il disparut. J'étais désormais le seul maître de la Tour. Le poids de ma tâche arriva soudainement sur mes épaules, manquant de m'écraser. Je souhaite effectivement la relève. Mais je tint bon. Je me sentais changé, et c'était normal.


Ce n'est pas tout les jours qu'on prend la relève de Dieu.



Mercredi 25 juin 2008 à 1:46

Une playlist rénovée grâce à ce cher Boubouze, allez donc lui dire merci. Un gros bisou baveux fera l'affaire. De plus, le lecteur de Fall From The Stars à changé. Allez, deux gros bisous baveux pour Boubouze.


Promis j'essaye d'être plus constructif dans les futurs articles. Et puis j'écrirais peut-être la suite de Co-Work, peut-être. Un jour. Ouais, hein.

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