Vendredi 14 septembre 2007 à 0:05

Aie.
Mal. La tête. Dur, le réveil. Pas la peine de chercher plus loin, j'ai la gueule de bois. Mal. Mal mal mal. Je ne me souviens pas trop de ce qu'on a fait hier soir. On. On, c'est moi et la vingtaine de cadavres qui hantent cette maison. Quoique, avec de la chance, ils auront survécus au coma éthylique. J'ai l'air con, je parie, allongé sur le dos, en travers du sofa, le bec ouvert avec ce mal de crâne. Je me rappelle vaguement ma cinquième bouteille de... de quoi, au juste ? Enfin bref. Je ferai mieux d'aller dans la salle de bains, voir si je peux prendre une douche bien froide. Au moins sur ma tête, je veux sortir de cette gueule de bois insupportable. Sauf que je ne me vois pas franchement marcher.
Bon, à ce niveau, autant jouer la larve. Je me suis laissé glisser sur le sol, avec plus ou moins de douceur, et j'entrepris de ramper jusqu'à la mythique salle de bain, tel un soldat sous les barbelés. Mon appartement... ou plutôt ce qu'il est advenu de mon appartement, est un champ de bataille tapissé de bouteilles d'alcool un peu partout, mais j'ai encore trop mal pour lire les étiquettes. On trouvait aussi des corps ça et là, certains prouvant qu'ils étaient toujours vivants par des ronflements par trop sonores. Apparemment j'étais le seul être conscient de cette piaule, et au final, ce n'est pas franchement plus mal. Je proteste tout de même contre les crétins qui se sont endormis dans le passage, rien que me mettre à quatre pattes semble être un effort surhumain, alors les enjamber.... Je crois que je n'avais encore jamais absorbé une telle quantité d'alcool. Complètement HS, je suis vraiment la larve du moment. Normalement, on boit entre amis, et même lorsque le but final est d'être saoul, je ne pense pas qu'on doive aller si loin. On a probablement un peu abusé. Je suppose que j'ai dû croiser le coma éthylique en chemin, comme les autres, juste histoire de, sans m'arrêter.
Alors que je passais sur le carrelage blanc de ma salle de bains, je me demandais combien de fric on avait dû claquer en alcool, et aussi combien de magasins avait-on pillés pour amasser cette quantité. Enfer, frustration et jambon, il y a quelqu'un dans la baignoire. Et je ne possède pas de cabine de douche. Moment d'hésitation extrême. Est-ce que je tente de tirer cet immonde sac à... choses, hors de ma précieuse baignoire, ou est-ce que je passe outre et je me rince la tête avec lui en dessous ? Deuxième solution adoptée, il l'a bien cherché.
Alors que l'eau froide me resserrait les os du crâne tellement fort que j'ai l'impression qu'elle va comprimer  un peu trop mon cerveau, j'observai les réactions de l'autre abruti. Rien. Il continue de dormir comme un ours soudainement tombé en hibernation. Bon, maintenant que ma boîte crânienne ne ressemble plus à rien, il est temps d'essayer de se lever. Et c'est parti, on pousse sur ces foutues jambes et on se casse la gueule, allez ! Je suis vraiment naze, totalement hors service, là. Je crois que je pousserais bien un gros grognement mais ouvrir la bouche est totalement dispensable. Je suis en train de me rendre compte que je n'ai pas fait les choses dans l'ordre. Non. D'abord, j'aurais dû poser (à haute voix) le si habituel "Où suis-je ?" et tenter vainement de reconnaître mon sofa (que je ne suis pas prêt d'oublier vu le prix que ce machin m'a coûté) et la pièce alentour, pour finir par m'exclamer d'un coup "Ah, je suis chez moi.".
Je n'ai donc pas respecté le protocole. Enfer et purée de jambon. Alors, je pourrais tenter de me rattraper...

- Quelle heure est-il ?

Ah, ça ne sonne certes pas aussi bien que "Où suis-je ?", c'est sûr, mais la réponse a le grand mérite de m'intéresser en plus d'être vachement utile. Mais ce ne fut que le vide qui me répondit, un silence pas si silencieux car peuplé de (trop) nombreux ronflements.
Je vais aller dans la cuisine, j'ai soif, mais cette fois pas question de boire quelque chose d'alcoolisé... Si toutefois il reste une boisson correspondant à cette description dans ce qui était autrefois ma maison. Mais il est permis d'espérer. Le chemin de la cuisine passait inévitablement par le salon, et c'est ainsi que je vis Nick tomber de son fauteuil en plein milieu de mon chemin.
Nick est quelqu'un avec qui j'avais fait les quatre cent coups, et même beaucoup plus, dans le genre quatre cent mille coups, vu le nombre de conneries monstrueuses qu'on a faîtes ensemble. Et qu'on fera ensemble, tant que nous sommes jeunes, vigoureux, volontaires et affreusement débiles. La chose chez Nick la plus surprenante était qu'il avait les yeux ouverts. Cool, je n'étais visiblement plus la seule entité consciente dans cet espace temps pour le moins étrange.

- Alors, Nick, t'as décuvé ?

Il ne me répondit pas tout de suite, ouvrant et fermant la bouche comme un poisson rouge hors de l'eau.

- T'es encore un peu flou, mais je dégrise, je dégrise, me répondit-il.
- Toujours ça de gagné. Je rampe jusqu'à la cuisine, tu m'accompagnes ?

Après m'avoir refait le coup du poisson rouge encore une fois, il s'est mis sur le ventre et a entreprit de m'accompagner en mode "larve" jusqu'à la dite cuisine. On se serait cru dans un film, à ramper comme ça. Manquait plus que le décor genre barbelés et tout et tout. Heureusement pour moi ce n'était pas le cas. Nous sommes finalement arrivés dans la cuisine, où Nick s'est aidé d'un tabouret pour s'affaler sur la table (renversant ainsi deux verres et une bouteille, qui au lieu de s'éclater sur le sol tombèrent dans la providentielle poubelle qui se trouvait là) et où je me redressais dans une posture bipède, non sans appui sur le lavabo.

- C'était géant, affirma Nick avec un air légume plus vrai que nature.

C'est que pour un peu ce crétin se serait mis à baver sur ma table, en plus.

- J'avoue que je ne me souviens pas de grand-chose.
- Quel dommage. T'étais pourtant pas à la ramasse, hier soir.

Syndrome de la fête qui dérape : c'est le lendemain matin que vous apprenez toutes les actions qui sont retenues contre vous et qui vous colleront à la peau comme des sangsues. La durée durant laquelle on parlera de vos "exploits" étant directement proportionnelle au nombre de points communs en vos amis et des hyènes. Ordinairement, je m'arrange pour ne pas tomber dans ce genre de situation, autant parce que je tiens à conserver ma réputation dans son état actuel (ce qui veut dire : quasi-inexistante) que parce que j'aime bien pouvoir me regarder dans le miroir sans avoir à penser "Putain, ce que j'ai été con à ce moment là". Mais visiblement je m'étais fait avoir.

- Allez, vas y, dis moi toutes les débilités que j'ai fait, comme ça je serai fixé.
- Je vais pas te faire une liste non plus, grommela mon ami.

Ah, alors j'ai pas fait tant de trucs que ça, hein ?

- Mais, lorsque le voisin est venu demander la raison de la fête c'est toi qui lui a ouvert

Ah.
Là, évidemment, ça se complique.

- Et, j'ai répondu quoi ?

Nick se tourna lentement vers moi et arbora un sourire qui aurait pu être dans un pub de dentifrice.

- La vérité.

Ah.

- Vraiment ?
- Vraiment.

Ah.
J'ai tendu le bras et attrapé la bouteille d'eau qui traînait non loin avant de m'en envoyer une grande rasade. Ouais, j'avais fait une seule connerie, mais c'était une grosse. Après une demi-douzaine de longues gorgées de flotte, j'ai regardé Nick droit dans les yeux.

- Et vous avez fait quoi pour rattraper ça ?
- On s'est occupé de lui.

J'ai alors décidé de prendre une très longue gorgée de flotte, avant de regarder mon compagnon se lever et se diriger vers le réfrigérateur.

- Menu du jour : viande froide ! s'exclama-t-il en ouvrant d'un coup sec la porte de ce dernier.

J'avoue que le cadavre de mon vieux voisin aurait pu avoir meilleure mine. Nettement meilleure mine. Mais bon, vu son état avancé de congélation, j'estimais que c'était pas si mal. Le froid avait considérablement retardé la décomposition cadavérique, surtout que le corps devait avoir au maximum une dizaine d'heure. Nick était écroulé de rire, et je suis prêt à parier que l'idée de le mettre dans le frigo venait de lui. Ou de moi, en fait, à l'intention de cette blague on ne peut plus stupide sur la viande froide. Le cynisme et le morbide sont les enfants de l'humour noir, ou les parents, c'est au choix. Et nous étions tous les deux de fervents pratiquants de cet humour qui repousse l'écrasante masse des gens "sains d'esprit". Je ne me sentais pas particulièrement attristé pour mon voisin, pour une foule de raison, mais j'étais bien content que Nick ai su rattraper ma bourde. J'ai pris la bouteille de jus d'orange que j'avais aperçu dans la porte de mon réfrigérateur et j'ai gagné le salon (toujours avec une posture bipède, ce dont j'étais assez fier) où je me suis laissé tomber sur le canapé, près du corps d'un autre fêtard. Mon frère d'armes passa la porte quelques secondes plus tard rampant comme un ver de terre rhumatisant. Il se dirigea vers la chaîne hi-fi et l'alluma. Je devinais facilement son but : sortir une musique géniale à un volume épouvantable. Pour l'empêcher de commettre son méfait, je lui ai envoyé le premier objet qui me tombait sous la min (à savoir, une télécommande) en plein dans la tête. Il se mit à rire à nouveau, et moi-même je souriais bêtement. Je me suis alors tourné vers le type qui partageait le canapé avec moi. Je ne l'aimais pas particulièrement, même si je devais lui reconnaître des qualités. Il avait du charisme, il était intelligent et cultivé. Il avait le sens de la magouille. Mais je l'avais invité pour une raison simple : il était l'invité d'honneur. Eh oui. N'est-ce pas, espèce de truc informe ? C'est pour toi qu'on l'a fait cette fête.

- Au fait, Nick.
- Oui ?
- Tu as regardé, hier, les résultats ?
- Evidemment.
- Et donc ?

Nick inspira profondément et se tourna vers le corps inerte de l'autre occupant du canapé.

- Il a gagné, déclara-t-il tout sourire.
- Fantastique ! m'exclamai-je en brandissant ma bouteille de jus d'orange comme si c'était un verre et que je me préparais à porter un toast.
- N'est-ce pas ?
- Fantastique.

Donc hier la fête avait été bien vue. On n'avait pas fait la fête pour rien. J'ai regardé vers l'autre ahuri, reposant de toute sa masse sur le canapé, puis j'ai regardé Nick à nouveau.

- C'est cool, t'auras pas le déplacement pour rien. Les autres non plus.

Le connard à ma gauche avait brisé le cœur de la femme que j'aimais, de façon volontaire et délibérée. J'avais bien tenté de lui pardonner. Mais il y a des choses que l'on ne pardonne pas, d'autant que je suis quelqu'un qui a un code moral très strict sur ce genre de trucs.

- Je pense que la suite des évènements va être franchement intéressante, dit Nick à voix basse, presque en murmurant.

Il arborait ce demi-sourire qu'il avait dans les moments où il était d'humeur joyeuse face aux emmerdes. Certes, Nick, certes. L'autre chose ne bougeait toujours pas. Ce n'était pas prévu de le tuer, à la base, mais on était tellement bien lancés qu'on a préféré faire ça au vol, juste, au cas où. Nick avait raison. Avec un meurtre, non, deux en fait,  sur les bras, la suite promettait d'être amusante. Mais néanmoins, fêter la mort de ce bâtard resterait à jamais gravé dans ma mémoire comme la meilleure fête jamais organisée. Et puis notre "victime", venait d'être élue président, alors, c'est la joie !

Jeudi 13 septembre 2007 à 0:03


T.o.d.a



Généralement je ne me déplace pour personne. Personne, ça veut dire personne. Pas un quelconque quidam, pas ma prof, pas ma mère, pas ma sœur ni mon frère. Personne, ça veut dire vraiment personne. Même en ce qui me concerne, j'hésite parfois à me rendre service – encore que ceci puisse être vu comme de la flemme. Mais aujourd'hui je venais de faire ce que je considérais comme la bonne action de la semaine, si ce n'est du mois, et au vu de comment ça tournait, de l'année. Les nuisibles s'amoncelaient sur moi comme des mouches sur du miel. Et malheureusement, ce bon vieux Frinesi calibre 12, fusil à pompe parmi les fusils à pompes, ne se trouvait que dans mes jeux. Pas dans la poche de mon pantalon, comme j'aurai pu en avoir (si souvent) besoin. Pas que je sois particulièrement méchant. En vérité je cherche simplement un moyen de me protéger efficacement des virus affectant les gens de mon âge, et le meilleur moyen pour ce faire est d'atomiser le virus en question.
L'Objet Louche Non Identifié qui me percuta à grande vitesse se révéla être en fait un truc à roulettes. Un skater, ou truc du genre, bref, après le pseudo-gothique et la pouf de service, vraiment le truc dont je n'avais pas besoin. Et ce truc en question venait de me rentrer dedans. J'ai grommelé une excuse, par réflexe. Pas lui. C'est alors que je me suis aperçu que cet enfoiré m'avait délibérément foncé dessus.
Il a ouvert la bouche et m'a déclaré avec une voix qui me fit sursauter (mes écouteurs étaient tombés dans la collision, je n'avais plus rien pour protéger mes chers tympans de cette abomination sonore) :

- Où tu vas comm…

Je ne l'ai pas laissé continuer et je lui ai décoché un direct du droit pile sous le menton. Il faut une excellente excuse pour que je consente à enlever mes deux écouteurs, et celle-ci n'en était pas une. Je lui ai lancé un regard qui lui a fait ravaler l'insulte qu'il se préparait déjà à pondre et j'ai poursuivi mon chemin. Jamais deux sans trois. Donc le skater après le pseudo-gotho-truc et la pouffiasse. Et avant ça, le débile anonyme dans le métro. Mais faîtes moi confiance, le cinquième mangerait un coup de boule avait d'avoir ouvert la bouche. Et où que se trouve le prochain énergumène ayant l'intention de me chercher des noises, j'espère qu'il comprend d'ors et déjà à quel point mon crâne est solide, car je n'hésiterai pas à en faire usage. Comme dit un ami à moi, "celui qui dit que la violence ne résout rien n'a jamais frappé assez fort."
La deuxième catégorie de choses les plus dangereuses après les passants se trouve être les conducteurs. Les voitures, espèce de créatures informes et grotesques n'ayant pour yeux que des phares, emplissaient les rues, polluant le bon air frais de cette ville de toute façon périmée. Je suis d'humeur maussade, aujourd'hui, c'est un fait. Et à ce moment précis, tout, absolument tout, était pour moi une raison de m'énerver, aussi ai-je décoché un grand coup de latte dans le phare arrière droit du connard parqué sur le trottoir. Et je ne songeais même pas à accorder un regard à la jeune fille qui me regardait, ébahie. J'ai le droit d'être colère comme tout le monde il me semble, pas la peine d'en faire un spectacle. Elle voyait peut-être la marque de la gifle sur ma joue (en supposant que celle-ci était toujours apparente) et elle devrait s'en contenter pour toute explication.
J'aime bien quand les choses se font de manière simple et directe, quand il n'y a pas d'accros dans le plan. Pas trop d'accros, en fait, car tout plan se déroulant parfaitement augmente le pourcentage de chance de tomber dans un piège. Et là il y avait beaucoup trop d'accros, surtout que je n'étais même pas briefé sur le pourquoi du comment de ma raison ici. Il arrive parfois qu'on fasse les choses sur un coup de tête. Une amie à moi m'avait un jour demandé, alors qu'on se promenait, de mettre mon pied dans un bassin d'eau. Ce à quoi j'avais demandé la raison. Et elle avait mis son pied dans l'eau, à défaut de me répondre. Je crois que c'est plus ou moins sa faute si depuis ce jour j'ai tendance à faire des actes relativement irréfléchis. Je me vengerai en temps et en heure, être rancunier et consciencieux c'est toute une histoire.
Pour l'instant je devais me concentrer sur mes objectifs principaux, à savoir : arriver sain et sauf (aussi bien de corps que d'esprit, encore que ce dernier point est peut-être déjà infaisable) chez l'autre, et le faire parler pour savoir ce qui l'avait mis (ou ce qui le mettait) dans un état pareil. Il est quelqu'un de plutôt calme, stoïque, d'habitude, alors ma surprise n'en était que plus grande. Tout comme l'inquiétude qui prévoyait des ennuis futurs encore plus complexes. Après quelques enjambées qui se sont voulues plus grandes que les autres, je suis arrivé au bas de son immeuble. Fixant l'interphone comme s'il allait me péter à la gueule (autant être préparé à toutes les éventualités), j'ai prudemment pressé le bouton correspond au nom de mon ami.

Mercredi 12 septembre 2007 à 23:54

Trivium - The Deceived





Disintegration constituents to decompose of the parts
A malformation utopia systematic unity can't be achieved
Be numb to all the things
That force you to frame
We are the deceived
Lost in the foreseen
To wait for aforementioned dreams time will only tell
Tell that the promised have been failed
Behold your fellow man through centuries of control
Adhering to the decrees of a manufactured god



Vendredi 7 septembre 2007 à 22:20

[Cette histoire est écrite en co-production avec Bubus.
Le système est simple : j'écris un morceau d'histoire, lui la suite, moi la suite de sa suite, etc, jusqu'à un moment indéterminé.
Pour lire la suite, il vous suffit de cliquer sur le "o". Chaque lettre correspond à un chapitre.
Pour information, il n'y a pas de scénario prédéfini, c'est une sorte "d'improvisation". Sur ce, Enjoy]

T.o.


Reconnaissons ce qui est. Certaines personnes se sapent si mal qu'un yéti tatoué au henné jaune fluo aurait meilleure allure. C'est exactement ce que je me disais en regardant les types assis en face de moi dans le métro. Je ne les regardais pas directement, non, j'utilisais la vitre et son reflet. On vous prend pour un con qui regarde les rails, mais vous pouvez voir dans votre dos : très pratique. Et ces types avaient vraiment une façon de se saper qui aurait dû provoquer une attaque chez la vieille mamie debout à côté d'eux. Ils n'avaient pas cédé leur place, et moi non plus, au besoin je pouvais prétexter qu'ils me bloquaient le passage – partiellement vrai. Il faut aussi remarquer que le voyage en métro (dans le même ordre que tout voyage urbain à une quelconque heure de pointe) est quelque chose de particulièrement agaçant, énervant, étouffant, et au final, épuisant. Aussi, c'est uniquement dans un souci d'économie d'énergie que je n'ai pas frappé le mec d'en face qui venait de me traiter de débile, je pouvais prétendre que mon MP3 faisait trop de bruit. Encore deux arrêts et ça serait le mien. Je pourrais descendre, éventuellement lâcher une grenade à fragmentation imaginaire aux pieds de ces imbéciles, et retrouver l'air délicieusement pollué de la civilisation.
Même lorsque vous êtes comme moi un casanier profondément convaincu, il arrive parfois que vous ayez à sortir. Ne serait-ce que parce que c'est votre petite copine qui vous l'a demandé. Ou parce que vous considérez que la tâche à accomplir à une valeur suffisante pour gâcher autant d'énergie dans un lieu public totalement bondé. Le genre de connerie que vous ne voulez pas faire, que vous trouvez stupide une fois que vous êtes dedans, et que vous êtes fier d'avoir accompli une fois tout ça fini. Mais je maintiens : le métro c'est nul, le bus c'est nul, le tram c'est nul, donc au final, là où il y a des gens, c'est nul. On pourrait dire que je suis misanthrope. Il n'en est rien. Je déteste simplement être forcé de côtoyer des gens que je n'aime pas. Et tout déplacement en public dans une ville comme celle-ci implique de se frotter à des échantillons douteux de pseudos-humains. On pourrait me faire remarquer que conduire c'est bien, et c'est un fait, mais je n'ai pas de voiture, et aucune que je peux emprunter.
- Pardon, je descends au prochain.
Cet enfoiré n'a pas bougé, et il m'appelle à nouveau par une insulte.
- J'ai dit pardon.
- Et moi je dis que t'es con.
Un type qui cherche vraiment la bagarre ne sera pas énervé. Il sera tendu et pâle, pas rouge de colère. Ce type cherchait juste à m'énerver. Je devais rester calme pour ne pas lui faire plaisir.
- Je voudrais passer.
Cette fois, il se lève et se place devant moi. Je crois que du PQ lui irait mieux que ces fringues actuels, et, curieuse coïncidence, il a une tête de cul et une haleine de chiotte.
- Ouais, ben moi je veux pas te laisser passer.
Rester calme ne veux pas dire que vous devez vous laisser faire. Aussi, je crois qu'il a été doublement surpris lorsque mon genou a percuté son ventre, et quand je l'ai traîné avec moi hors du métro, vu qu'entre-temps ce dernier était arrivé à ma station. Les gens n'ont rien fait, bien sûr. Une jeune fille pourrait se faire violer sous leurs yeux qu'ils ne s'en mêleraient pas, "C'est pas mes affaires" qu'ils diraient. Crétins. J'ai enfermé l'autre déchet dans les toilettes publiques à côté de la bouche de métro, histoire de le faire réfléchir un peu, puis je me suis remis en route.
Dans les choses que je déteste, il y a les places fréquentées par les skaters, gothopouffes et autres saloperies anciennement des Hommes, une telle concentration de gens détestables au même endroit me donnant mal au crâne.
Avec mon jean, ma veste et mon MP3 vissé sur les oreilles, je passais inaperçu au milieu de cette bande de pingouins (encore que des pingouins seraient plus vifs intellectuellement), mais cela n'ôtait pas ce sentiment désagréable de "mauvais feeling" qui ne m'avait pas quitté depuis que j'avais franchi le seuil de ma porte, clés, portable et MP3 à la main.
En fait, je devais descendre en plein centre-ville, ce qui voulait dire quelques stations de tram. Et ça ne m'enchantait pas vraiment. Non, en fait, ça ne m'enchantait pas du tout.



Lundi 13 août 2007 à 4:00

J'ai pris appui sur le canapé, et je me suis hissé dessus, avant de me retourner sur le dos. Je me suis calé contre un coussin, et j'ai ramené mes jambes sur le reste du canapé, avachi comme un pacha. J'ai alors expiré un long soupir.

- Je suis content que le boulot soit fini, dit mon camarade en se laissant tomber sur un fauteuil.
- Moi aussi, mon vieux, moi aussi.

La sensation que l'on avait lorsqu'on savait que le boulot était fini, et bien fait, était selon moi une des plus agréables de l'existence humaine - même si une bonne partie des gens que je connaissais jurait que je disais ça parce que je n'avais jamais fait l'amour. Mais je me permettais, bien que nombre de personnes trouve cela d'une arrogance sans borne, de déclarer que ce n'était pas parce qu'on avait baisé qu'on était dans une position de supériorité. Les humains. Les humains possèdent tout un tas de concepts en perpétuelles évolutions, et nombre d'entre eux sont, pour ce qui tendrait à être du bon sens, risibles.
Et un des concepts les plus répandus, est que si vous avez forniqué, vous devez vous en vanter et vous passez dans la catégorie des "grands". J'ai toujours critiqué ce concept, et ça m'avait valu pas mal de moqueries. Surtout que pour trouver des gens du même avis, sur ce point là, c'était dur. Mais au final, c'était arrivé. Qui se ressemble s'assemble, dit le proverbe. Et forcément, j'avais fini par travailler avec ces quelques raretés qui étaient, selon moi, intelligentes.

- C'était vraiment une journée de merde, dit Chris.
- Je te le fais pas dire.
- De merde...
- ...

Chris était, depuis maintenant quatre ans, mon partenaire. On s'était connu en percutant nos voitures, accident à la con, rencontre à la con, histoire à la con. Mais au final on avait fini par s'apprécier l'un l'autre, et puis devenir amis. Il y a plusieurs types d'amis. Tout d'abord les amis qui partagent vos idées. Puis les amis qui partagent votre job. Les amis qui partagent votre vie. Et les amis qui partagent vos secrets. Ceux qui vous font confiance, et à qui vous faîtes confiance en retour. Ceux qui vous aideront à déplacer un cadavre si besoin est.
Le genre d'amis à qui, si vous étiez sur le point de mourir, vous demandez de prendre soins des vôtres. Chris était pour moi ce genre d'ami là. Ce genre si parodié dans les films, même si leur but primaire est de copier la réalité, ça sonne toujours atrocement faux. On ne peut pas faire ce genre d'amitié "pour de faux". Même pas la jouer. C'est quelque chose de profond. J'aurai buté le président des USA par accident que la première personne que j'aurais appellé aurait été Chris. Et vice-versa.

- Chris.
- Ouais ?
- Joue moi du piano.

Il me regarda longuement. On devait approcher de minuit. Cette pièce était agréable. Parquet, murs blancs, canapé et fauteuil, home cinéma, consoles de jeux... On avait allumé aucune lumière, mais n'étant située qu'à quelques étages, la lumière de la rue (les quatres vitres donnaient directement sur une des avenues les plus fréquentées de la ville, même la nuit) et la faible lumière de la lune suffisaient. Cela créait par ailleurs des jeux d'ombres au plafond que j'aimais bien regarder. Un salon moderne, légèrement au dessus de la moyenne, confortable et agréable, tout ce que je demandais. Et surtout, il y avait ce piano à queue noir, dans l'angle, juste à côté du canapé. Canapé sur lequel j'étais vautré.
J'allais pouvoir profiter d'un excellent son. Je possédais un piano, mais je ne savais pas en jouer. Paradoxal, non ? Ce n'était pas le cas de Chris, qui en faisait régulièrement depuis l'âge de six ans. Il aurait pu aller au conservatoire, mais ça ne l'intéressait pas. Il se leva et se dirigea vers le bar, situé juste à côté de l'écran plat du home cinema. Il l'ouvrit et se servit une rasade de ce que je devinais être de la vodka. Je pouvais presque imaginer le demi-sourire de satisfaction sur son visage, bien qu'il me tournait le dos.

- Alors je te joue quoi ?
- A ton avis ?
- Bon...

Il reposa lentement le verre et se dirigea vers le piano. Il ôta ses gants et les posa sur le fauteuil le plus proche du piano. Il déboutonna et retroussa les manches de sa chemise, comme s'il voulait parodier un grand maestro. Il prenait son temps, mais je ne pouvais pas lui en vouloir. Il aimait le piano comme certains aiment leur femmes, ou leur maîtresses. Il était passionné. Il s'assit et commença à jouer. D'abord quelques notes, puis il en vint rapidement au gros du morceaux. J'adore le piano. C'est de loin mon instrument favori. Il est souvent utilisé de façon qui n'arrivent pas à rendre toute sa justesse, toute sa puissance.
Il ne jouait pas un morceau de Mozart, ni de Chopin. Ni d'aucun compositeur connu, en fait. C'était un morceau qu'il avait plus ou moins composé avec mon aide. On aurait pu dire que ce morceau était triste, quelque part. Mais il n'était pas lent, ni léger. On sentait juste une émotion perçant au travers des notes. Chris aimait suffisamment ce morceau pour le jouer en boucle, et ça m'allait plutôt bien.
Dans la vie, on est parfois confronté à un certain nombre de choix, et le principe du choix (et de la mémoire) est qu'on finit toujours par se demander si on a fait le bon choix. Si on a acheté le bon pain, si on s'est garé au bon endroit, si on a choisi la bonne entreprise, si on a épousé la bonne femme, si on a fait ce qu'il fallait, quoi. Beaucoup de gens croient sois en un dieu, sois au destin. Pour ma part, je ne crois en rien. En fait, si, je crois en moi. Mais même avec cette assurance complète en mon potentiel, des journées comme celles que nous venions d'avoir avaient de quoi me suggérer une introspection.
Dans les choses que je trouve étranges, il y a la façon dont votre existence peut être pertubée du jour au lendemain. Hier, par exemple, on a eu une journée sans emmerde, on a rencontrés des gens bien, le genre de journée qui vous fait dire que mince, "la vie c'est cool". Mais alors aujourd'hui, y'avait plutôt de quoi se pendre.
Chris continuait de jouer. Moi je continuais de ruminer des pensées dans tous les sens. Je suppose que j'aurais dû faire autre chose que ça. En bon français, je critiquais systématiquement tout. Ou bien peut être que je reporte la faute sur le français type...
C'est beau, les jeux d'ombres au plafond. Ils n'avaient aucun sens, mais, à l'instar des nuages, on cherchait toujours à leur en donner, et chaque interprétation était différente.
Il y a une sorte de cliché très répandu, comme quoi dès que votre journée est merdique il doit fatalement pleuvoir. Je pouvais prouver que c'était faux. A la rigueur, j'aurais aimé qu'il pleuve. En plus, ça aurait permis des jeux d'ombres encore plus beaux sur ce plafond.
Chris avait arrêté de jouer. Il se leva lentement et se dirigea vers moi.

- Je peux faire quelque chose, peut-être ? me demanda-t-il.
- Hum...

Non, je ne pense pas, mais on va quand même réfléchir.

- Il y a quelqu'un que tu voudrais que j'appelle ?

Chris, ne fais pas l'idiot...

- Mon banquier.

Il rit. Moi aussi. Débile, mais rire fait partie des merveilleuses choses de la vie. Il y a cette étude soi-disant faite par des scientifiques américains, qui prouverait que cinq minutes de rire par jour peut augmenter votre espérance de vie de sept ans. Lorsque j'avais appris ça j'étais tombé au sol, mort justement... de rire.

- Et plus sérieusement, il y a quelqu'un ?

Je te dis que non, stupide animal. Non. Ou, peut-être... Peut-être, en fait.

- Kelly.

Il resta interdit un moment. Prévisible.

- Kelly, la jeune fille que tu suivais depuis quelques mois ?
- Oui, elle.

Je le savais surpris. La probabilité que je tombe amoureux était faible, je sais. Mais, d'ailleurs, il restait à prouver que c'était de l'amour que je ressentais pour elle. Même si ce n'était pas trop le moment.

- Occupe toi d'elle.
- Promis. A part ça ?

J'en sais rien, mon vieux, j'en sais rien. J'ai les idées pas claires.

- J'ai la tête qui tourne, je prendrai bien un doliprane...

Pitoyable d'en arriver à marmonner ça. Mais bon.

- Tu es sûr de toi, vraiment ? me demanda Chris.

Il avait ce regard qui clamait haut et fort qu'il voulait me faire changer d'avis. Mais ça sert à rien, mon vieux. Tu me connais, pourtant, je suis buté comme pas possible.

- Certain.

Il se redressa silencieusement et porta la main à sa ceinture. Il dégaina un Berreta M9, la version américaine, dix-sept balles au chargeur. Une arme relativement fiable. Il l'arma, relativement lentement. Je savais que ce bougre d'âne hésitait. C'est pourquoi je lui ai lancé mon P99. L'arme de James Bond. Intéressant, le personnage de James Bond. Froid et paranoïaque.

- Ca te dérange si je reste encore ici à jouer du piano après ?
- Du tout.

Il venait de ranger mon P99 dans sa ceinture. Tueur professionnel veut dire que vous avez un diplôme fictif pour buter à peu près n'importe qui - même si on vous paye une misère pour. Que vous savez vous y prendre.

- Ca me fait pas plaisir, tu sais, dit Chris en enfilant sa veste, arme au poing.
- Moi non plus.

Cela dit, ça ne vous accorde pas une aura pour dévier les balles. Lorsqu'on avait retrouvé l'enfoiré qui nous avait manipulés pour faire son sale job, on lui avait fait sa fête. A lui et à ses malabars. Chris respira profondément. Lui il avait bien réagit, il avait plongé du bon côté. Moi j'avais pris au moins six balles dans le ventre. J'avais atteint ma limite, visiblement.  Blessure trop grave. Aucune chance d'en réchapper. C'est dingue, j'allais crever au milieu de tous les cadavres de ces nazes.
Normalement, on est censés voir sa vie qui défile devant ses yeux. Faut croire que je suis pas normal.

Chris me mit en joue, et son index se posa sur la détente.

A ce moment précis j'espère vraiment qu'il y a un au-delà.

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